32 ans après son 1e Jockey-Club, Frankie Dettori gagne un nouveau Derby aux Etats-Unis !

02/06/2024 - Actualités
Sans doute le plus grand jockey de tous les temps, Frankie Dettori réussit un formidable come-back aux Etats-Unis, après avoir annoncé sa retraite. Au terme d'un "road trip" inédit à travers l'Amérique, le génie italien remporte pour la 1ere fois à 53 ans le Jersey Derby dans le Texas, alors qu'il est absent des classiques européens depuis 3 décennies...

 
A 53 ans, bien loin du week-end classique en Angleterre et en France, Frankie Dettori a remporté le Jersay Derby à Monmouth Park et gratifié l'assemblée de son mythique flying dismount. Photo Bill Denver/EQUI-Photo

 

Le 7 juin 1992, le monde découvrait la talent hors du commun d'un tout jeune jockey italien de 19 ans, Lanfranco Dettori, lorsqu'il remportait le Prix du Jockey-Club avec l'outsider Polytain, un fils de Bikala qui avait été acquis 3 mois plus tôt à réclamer par son entraineur Antonio Spanu. Ce succès a marqué un tournant majeur dans la carrière de Dettori, puisqu'il gagnait à cette occasion son 1e le Gr.1, sa 1ere grande course internationale, son 1er Derby et bien entendu son 1er classique.

 


Le punch inaltérable de Frankie Dettori a de nouveau fait la différence dans une extraordinaire lutte à 3, en selle sur Twirling Point, dans le Jersey Derby (L). Photo Bill Denver/EQUI-Photo

 

32 ans plus tard, Dettori, né le 15 décembre 1970 à Milan, a construit un palmarès si extraordinaire qui permet  peut être de le considérer comme le jockey le plus accompli de tous les temps. Non seulement il a tout gagné en Europe, dont 2 fois le Derby d'Epsom (Authorized en 2007 et Golden Horn en 2015), 3 fois le Jockey-Club (Polytain en 1992, Shamardal 2005 et Lawman en 2007) et 6 fois le Prix l'Arc de Triomphe (Lammtarra en 1995, Sakhee en 2001, Marienbard en 2002, Golden Horn en 2015 et Enable en 2017 et 2018), ce qui fait de lui le cavalier le plus titré dans la plus grande course du monde.

 


En 1992, monté par un jeune jockey italien totalement inconnu de 19 ans, Lanfranco Dettori, l'outsider Polytain remporte le Prix du Jockey-Club face à Marignan (Dominque Boeuf), Contested Bid (Pat Eddery) et Johann Quatz (Freddy Head)

 

Il compte aujourd'hui 291 victoires de Gr.1 à travers le monde, car il a pleinement profité de l'internationalisation des courses de chevaux, notamment grâce à position de 1er jockey de l'écurie Godolphin. La vie de cet homme plein de fantasie a toutefois été émaillée de périodes très difficiles, dont la presse anglaise a profité pour annoncer mille fois sa fin professionnelle. Mais il a tout surmonté, ses problèmes de drogue, ses suspensions, son divorce douloureux avec Godolphin, et même un terrible accident d'avion dont non seulement il a survécu mais où il a sauvé la vie du pilote coincé dans le cockpit en flamme.

 


Frankie Dettori est resté toujours aussi dans sa tête (ça se voit) que dans son corps. Pour cela, il travaille beaucoup son physique et le maintien de son poids avec force footing en sunisette. Bill Denver/EQUI-Photo

 

Et surtout, Dettori domine la fatalité la plus absolue de la vie sur terre : le vieillissement. Alors déjà âgé de 49 ans, il bat son record de victoires de Gr.1 avec 19 succès au plus haut niveau en 2019. 3 ans en plus tard, en 2022, l'âge de la retraite finit par avoir sonné. Toutefois, plutôt que de faire comme tout le monde et de raccrocher soudainement ses bottes aussitôt après un ultime grand succès, Dettori anticipe et annonce qu'il effectuera en 2023 sa toute dernière saison en selle, comme s'il voulait reculer l'échéance au maximum. Evidemment, on ne peut pas s'empêcher de penser que le psychodrame vécu avec John Gosden, qui a dit à son sujet qu'il ne voulait plus d'un jockey à mi-temps, a pesé du mauvais côté dans la balance.

 


Et encore un flying dismount à Penn National avec First World War

 

Mais les courses ne sont pas une tournée d'adieux d'un groupe de musique de légende, où des vieux fans déjà conquis viennent ovationner les idoles de leur jeunesse et leur assurer un triomphe même si la prestation est un peu fatiguée. Une fois les stalles ouvertes, la compétition hippique n'offre aucun cadeau ni politesse, et les vieux guerriers doivent continuer d'écraser de leur fougue et leur soif de vaincre tous les jeunes loups qui ne rêvent que les précipiter dans les livres d'histoire. Résultat, Dettori a réalisé l'une des plus belle année de sa carrière en 2023, avec 8 Gr.1 dont les Oaks (Soul Sister), 2000 Guineas (Chaldean), Ascot Gold Cup (Courage Mon Ami), Coronation Cup (Emily Upjohn), International Stakes (Mostahdaf), Champion Stakes (King of Steel), Jacques le Marois (Inspiral), Dubaï Turf (Lord North). Et Dettori a continué de ravir son public avec ses fameux "flying dismount", quand il se jette dans les airs pour descendre du cheval après une grande victoire.

 

 

Mais contre toute attente, à la fin de l'année 2023, Dettori jette ses cannes à pêche et son jeu de belote pour annoncer qu'il poursuit sa carrière de jockey... de l'autre côté de l'Atlantique. Et voilà notre vieux génie qui change de théïere pour se lancer dans une nouvelle aventure, tel un Aladdin qui traverse toutes les générations sans jamais prendre une ride.

 


Et un 3e flying dismount en 2 jours avec Poolside With Slim à Penn National.

 

Culturellement, les américains n'ont rien contre les vieux jockeys. Les vedettes locales ont souvent plus de 40 ans, voire parfois près de 60 ans comme encore actuellement l'inoxydable Mike Smith (59 ans). Mais tout de même, si sa réputation s'était déjà étendue partout à travers le monde, et s'il a tellement voyagé que la planète est comme sa chambre, repartir de zéro à 53 ans est une autre paire de manche. Sans compter que pour faire face au syndrome du combat de trop, et risquer de conclure par un échec piteux une carrière jusque là couronnée de succès triomphaux, il faut avoir un moral d'acier.

 

 

Et une fois de plus, ça marche ! Arrivé cet hiver en Californie, Dettori a aligné les succès. Il a même gagné 10 courses de Groupe dont 2 nouveaux Grs.1, et réussit une passe de 6 victoires à Santa Anita le même jour en avril. En ce week-end le plus classique de l'année en Angleterre, où il avait l'habitude d'enchaîner en 3 jours les Oaks, le Derby d'Epsom et le Prix du Jockey-Cub, Frankie Dettori s'est lancé dans un road trip complètement inédit aux Etats-Unis. Puisqu'il n'y avait justement pas de grandes réunions avec Gr.1 dans les 3 grands pôles du pays (New-York, Kentucky, Californie), le crack-jockey est parti monter le vendredi à Penn National, un hippodrome quasi méconnu en Pennsylvanie, sur le côte Est. Alors qu'il découvrait évidemment les lieux, Dettori y a signé un doublé dans les 2 épreuves principales de la réunion pour 2 entraineurs trop contents de pouvoir s'offrir ici les services d'une telle star. Il remporte ainsi le Penn Mile (Gr.3) avec First World War (War Front) pour Brendan Walsh, un irlandais devenu entraineur à grand succès aux Etats-Unis après avoir travaillé plusieurs années en tant que cavalier d'entraineur chez Godolphin, justement pendant que Dettori y était 1e jockey.

Ce dernier a aussi enlevé les Penn Oaks (L), pour George Arnould avec Poolside With Slim (Churchill), une pouliche née en Irlande. Dans ces 2 courses, le cinquantenaire a démontré qu'il avait toujours une forme physique optimale, revenant arracher le victoire dans la dernière foulée avec le poulain, un gros cheval noir attentiste, et conservant de justesse le succès avec la pouliche après avoir démarré le 1er.

 

 

Le lendemain, après avoir pris une énième fois l'avion, Detttori a débarqué dans le Texas, sur l'hippodrome de Monmouth Park, où il n'avait pas mis les pieds depuis 2007 et une édition de la Breeders'Cup de sinistre mémoire, disputée sous le déluge. Là encore, Frankie a fait une démonstration de son génie tactique associé à un punch digne de Rocky Balboa. Soulevant littérallement de terre son partenaire Twirling Point au milieu d'une magnifique lutte finale à 3 de front, il arrache du plus faible écart la victoire dans le Jersey Derby (Listed) pour l'entraineur Jonathan Thomas. Notons qu'il résiste jusqu'au bout à l'assaut final du jockey Vincent Cheminaud, installé de longue date aux Etats-Unis, en selle sur Move To Gold, également issu de Twirling Candy.

Comme d'habitude, il n'y a aucune course importante le dimanche aux Etats-Unis, et Frankie Dettori pourra donc se reposer en ce dimanche 2 juin, même si on est bien certain qu'il regardera en direct le Prix du Jockey-Club, en se souvenant qu'il n'en sera peut-être pas là s'il n'avait pas été apppelé par un compatriote italien installé en France, Antonio Spanu,  pour monter un outsider dans le classique de Chantilly, il y a 32 ans.

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