Les archives France Sire : les AQPS et le Grand Steeple-Chase de Paris

15/05/2024 - Grand Destin
Cette année se disputera la 150e édition du Grand Steeple-Chase de Paris. Parmi les 14 concurrents qui devraient se lancer à l’assaut des 6000 mètres, figurent pas moins de 4 AQPS dont le favori Juntos Ganamos, soit plus d’un quart des partants. Découvrez l'histoire, finalement très récente des AQPS avec le Grand Steeple. Avec France Galop et Dynavena.

  Les AQPS dans le Grand Steeple, une tradition récente ©APRH


L’histoire de l’AQPS débute avant la Première Guerre Mondiale, époque durant laquelle la production de chevaux de guerre est nécessaire. Des divergences s’instaurent alors entre les partisans du Pur Sang et ceux du demi-sang trotteur (soutenus par les Haras Nationaux) à propos de la race à utiliser pour produire le cheval de selle recherché par l’armée. La question se pose alors : comment doser les 3 ingrédients nécessaires (modèle, aptitude au saut et vitesse) pour obtenir un cheval de selle sauteur à usages variés (armée et courses) ? Ainsi au fil des décennies, les éleveurs majoritairement basés dans l’Ouest et dans le Centre de la France vont développer cette race, assistés par feu les Haras Nationaux, pour obtenir la qualité des chevaux AQPS que nous constatons aujourd’hui.
 
 
1981 : Isopani et André Fabre, les pionniers
 
Si dès 1929 et le sacre d' Uncas dans le Prix du Président de la République, les AQPS ont prouvé qu’ils avaient le talent pour battre les purs dans les grandes épreuves d’Auteuil, il faudra attendre plus de 50 ans pour qu’un « AQ » ne soit sacré dans le Grand Steeple. Sacré dans le Grand Prix d’Automne 1966 et la Grande Course de Haies 1967, Rivoli passe près d’un sacre dans le Grand Steeple, se contentant de la 2e place. Grand éleveur d’AQPS, Jacques Cyprès nous a dit : « à l’époque les AQPS étaient entraînés par des entraîneurs de l’Ouest et du Centre-Est. Il y avait une vraie séparation entre Paris et la province. Des entraîneurs locaux d’envergure comme Wladimir Hall, Roger Chaignon ou Roger Crossouard n’allaient que très peu courir à Paris avec leurs AQPS, ou alors quand ils y allaient c’était pour courir le circuit des steeples AQPS pour chevaux d’âge. »

 
 
 
 Isopani, le premier AQPS lauréat du Grand Steeple ©APRH
 
 
Elevé dans la Nièvre par Gabriel Vagne, Isopani est entraîné à Roger Crossouard alors basé à Nort-sur-Erdre. Lors de son année de 3 ans, le poulain remporte ses cinq premières sorties, avant de conclure 2e du Prix Jacques de Vienne en fin de saison. Sur Isopani, Jacques Cyprès nous explique : « déjà à l’époque, les AQPS débutaient leur carrière en plat à 3 ans, avant d’être orientés vers l’obstacle. Très peu d’entraîneurs osaient courir à Paris contre les purs. L’objectif pour eux était de gagner un Grand Steeple de Craon par exemple. Le docteur David (propriétaire d’Isopani ndlr) a été vraiment précurseur à cette période lorsqu’il a confié Ginetta II à André Fabre. L’expérience ayant été concluante (Ginetta II remporta le Prix Montgomery), il décida alors de confier Isopani, qui devint le premier AQPS à gagner le Grand Steeple. »
 
 
   Le jeune trentenaire André Fabre remporte quatre Grand Steeple de suite, dont deux avec des AQPS ©APRH
 
 
Les années 80 : la machine est lancée
 
Deux ans après le succès d’Isopani, André Fabre selle un autre vainqueur n’étant pas un Pur Sang : Jasmin II. Comme son aîné, Jasmin II est entraîné dans l’Ouest par Michel Thibault, avant que ce dernier ne le confie au jeune prodige cantilien. Ce dernier qui avait pris la suite du maître André Adèle signe un quatrième succès de rang dans l’épreuve reine de la Butte Mortemart, après Fondeur, Isopani, et Metatero, qui avait lui aussi débuté sa carrière en province. Jasmin II était d'ailleurs le cousin d'Isopani. Ils proviennent tout deux de la souche des "H" d'Henry Berry, qui s'était dévelopée dans les courses de SHR de Decize. Les éditions 86 et 87 sont remportés par deux « O » : Otage du Perche et Oteuil (communément appelé « Oteuil SF »). Ces deux grands champions sont d’ailleurs issus du même étalon, à savoir Djarvis, un étalon dit de « croisement » stationné aux Haras Nationaux.
 
 
 Jasmin II s'impose tout en puissance dans le Grand Steeple 1983 ©APRH
 
 
Les années 90 : une domination outrageuse
 
Ces différents succès acquis par les AQPS dans les années 80 ont logiquement attiré la lumière sur la race. Ainsi, des grands propriétaires de l’époque à commencer par Robert Fougedoire se sont mis à acheter des AQPS pour viser l’élite des courses d’Auteuil. Ce dernier a vu sa célèbre casaque jaune et verte briller dans le Grand Steeple 1997 avec un certain Al Capone II. Robert Fougedoire avait également vendu en début de carrière deux futurs gagnants de Grand Steeple, The Fellow (1991) et Ucello II (1993-94) à la propriétaire la plus influente de l’époque : la marquise de Moratalla. Cette dernière, connaitra une incroyable réussite avec les AQPS dans la plus belle course du programme, si l’on ajoute les succès de Ubu III et First Gold. Lui aussi né dans le Centre-Est, Arenice offre le premier de ses 7 Grand Steeple à Guillaume Macaire en 1996.
 
 
 Dans les années 90, Robert Fougedoire qui n'achetait que des AQPS a trois de ses chevaux dans le Grand Steeple 1999  ©APRH
 
 
Les années 2000 : une cote commerciale au zénith mais des succès plus rares
 
En 2002, El Paso III offre un nouveau succès à un AQPS, mais après ce sacre, la domination sans partage des AQ touche subitement à sa fin. Une des raisons qui explique sûrement ce phénomène est la part croissante des jeunes AQPS achetés par les richissimes propriétaires anglo-irlandais. Les exploits de ces chevaux en France et outre-Manche attirent logiquement les convoitises. Sir Robert Ogden, un milliardaire anglais était d’ailleurs venu en hélicoptère au concours de Decize pour tenter de dénicher ses futurs champions. Depuis El Paso III, seul Polar Rochelais en 2010, un anglo de complément à réussi à ajouter son nom au palmarès du Grand Steeple.


Polar Rochelais le dernier AQPS a avoir remporté le Grand Steeple ©APRH
 

Sur ce constat, Jacques Cyprès nous précise : « certes ces dernières saisons, les AQPS gagnent très peu, mais on en retrouve très souvent sur le podium, et de nombreux AQPS ont gagné d’autres belles épreuves. » En effet, des chevaux comme Bipolaire, Figuero, Rubi Ball, Franco de Port ou Galleo Conti sont passés près du sacre lors des 10-15 dernières années. L’éleveur d’Al Capone II et The Fellow poursuit : « ce même dimanche le Prix Ferdinand Dufaure, c’est la fête des AQPS ! Les deux favoris Karré d’As et Kentucky Wood viennent de remporter les préparatoire et s’annoncent redoutables. Sans oublier Kador de Ciergues et Kassel Allen» La relève semble d’ores et déjà assurée avec ces quatre ans de talent qui pourraient dès l’année prochaine viser un sacre dans le Grand Steeple-Chase de Paris !
 
 
Kentucky Wood et Kador de Ciergues, deux AQPS formaient le jumelé gagnant du Prix Jean Stern (Gr.2) ©APRH

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